→ te sens-tu en sécurité à Londres, ces derniers temps ?
Sincèrement ? Non. A vrai dire, c'est difficile de se sentir en sécurité, en sachant que la mort peut vous attendre à tous les coins de rue. En plus, on ne peut plus vraiment avoir confiance en qui que ce soit. N'importe qui peut vous assassiner, avec les histoires d'argent. Et puis avec les problèmes actuels, une balle perdue est si vite arrivée... Bien sûr, si j'arrive à voler un flingue, on en reparlera. Après tout, le sentiment de sécurité est relativement abstrait, il dépend de l'arme que tu gardes ou non sous ton oreiller.

→ as-tu déjà frôlé la mort ? si oui, comment l'as-tu vécu ?
On a tous déjà frôlé la mort, non ? Mais tant qu'on ne fait que la frôler, ou est le problème ? En même temps, maintenant, la vie ne tient plus qu'à un fil, dans Londres. Peut-être que j'ai déjà frôlé la mort sans m'en rendre compte. Une balle perdue au détour d'un coin de rue. Un conducteur qui ne fait pas vraiment attention. Ou juste savoir une chose que tu ne devrais pas savoir. Peut-être que j'ai déjà frôlé la mort, mais au dernières informations, je ne m'en suis pas rendu compte. Tant que je réchappe, ça ne m'importe pas vraiment.

→ le mot « tuer », qu'est-ce que ça t'inspire ?
Le quotidien. Je ne vous apprendrais rien en disant qu'il n'est pas rare de voir des cadavres sur le pavé, ou une flaque de sang dans une ruelle sombre. Règlement de compte, histoire d'argent, ou simplement avoir été au mauvais endroit au mauvais moment. Tuer un être humain, c'est une chose horrible, évidement. Mais maintenant, c'est une question de survie, et quand le moment viendra, il faudra être capable d'appuyer sur la détente pour sauver sa peau. Moi j'ai déjà tué. Mais c'était pour le bien de la majorité.

→ y a-t-il une chose pour laquelle tu pourrais mourir ?
Non. Je n'ai pas besoin de réfléchir, il n'y a rien pour quoi je pourrais mourir. Je passe mes journées à essayer de survivre tant bien que mal, je vais pas tout foutre en l'air pour quelqu'un ou quelque chose. Après tout, qu'est-ce qui peut bien compter plus que notre propre vie ? Il parait que quand on aime quelqu'un, on est prêt à se sacrifier pour cette personne. De mon côté, je n'ai jamais connu ça, et je préfère sauver ma peau plutôt que celle des autres. Et je crois que dans notre société, c'est le cas de la plupart des gens.

→ quelle est la chose que tu as toujours rêvée de faire ?
Tu n'as vraiment aucune imagination, Az. On me l'a dit très souvent. A vrai dire, à part quand je dors, je ne rêve pas tellement. On me dit que je suis trop terre-à-terre, simplement parce que je dis que vu l'état de la société, on ne peut pas espérer grand chose. Pourtant, je suis sûr qu'il y a bien un petit nuage de rêve, quelque part au fond de moi. Et ce nuage, je pense qu'il me dit que ce serait pas mal de pouvoir tout reprendre à zéro, dans une autre ville et dans une autre époque. Je crois que c'est de ça, que je rêve.

→ quelle est la chose la plus folle que tu aies jamais faite ?
Je ne sais pas vraiment. Rien que vivre est une folie, une connerie pas possible. Mais on a tous cet instinct de survie humain qui nous pousse à préserver notre vie en toute circonstance. Alors hormis vivre, je pense que la pire connerie que j'ai pu faire, c'est tuer quelqu'un. En fait, c'est amusant de voir comme les choses les plus folles que j'ai faite s'oppose. Vivre. Tuer. Mais qu'est-ce que ça signifie vraiment ? Je planté un couteau dans le dos. Le sang a giclé et il s'est vidé de son sang. Alors c'est ça, la mort ? Je crois que ce qui me fait penser que c'est fou, c'est la remise en question de toute l'existence qui s'en est suivie. On est fous.

« Et lui ? Plutôt intéressant, non ? Azraël Holmes-Blacklaw, 13 ans. Aucun parent connu. Il a été prostitué quand il était enfant. En ce moment, il est marchand d'infos, il sait pas mal de trucs qu'il devrait pas savoir. » Un homme soupira. « Il est trop jeune pour l'instant. Mais il est assez désespéré pour devenir un looper plus tard. »

Même moment, même ville, juste quelques rues plus loin. « T'as vraiment pas d'imagination, Trash. Tu pourrais t'autoriser à rêver de temps en temps. » Ledit Trash leva ses yeux bleus perçants vers l'autre gamin, en fronçant les sourcils. De l'imagination ? Lui, il n'avait pas d'imagination ? Il réfléchit un moment. C'est vrai qu'il ne s'autorisait pas vraiment à rêver. Enfin, il rêvait, bien sûr, mais seulement de manière inconsciente, dans son sommeil. Et encore, c'était pas la joie. « T'as vu l'état du monde ? Tu pense sincèrement que ça sert à quelque chose de rêver ? » Après ce qu'il avait vécu, ce qu'il avait fait, toute sa vision du monde avait été altérée. Devant le regard d'incompréhension de l'autre gamin, Azraël soupira et se leva. Il se laissa guider par ses pas, jusqu'à arriver devant un bâtiment en ruine, à moitié brûlé et au toit effondré. Des souvenirs désagréables lui revinrent comme des flashs, et une certaine curiosité assez étrange le poussa à entrer.La porte grinça horriblement, mais s'ouvrit sans difficulté. Le brun avança dans les décombres, s'arrêta dans ce qui était un hall et regarda les restes de l'hôtel autour de lui. Puis tout lui revint, douloureusement, comme une évidence. De A à Z, du début à la fin.

Trash poussa une nouvelle porte, et regarda autour de lui ce qui devait être un dortoir, au vu des lits superposés. Il se souvenait de comment ça avait commencé. Aussi loin qu'il se souvienne, il n'avait jamais eu de parents, des vrais parents, qui auraient pu l'aimer. Non, il avait toujours vécu dans ce dortoir. Son premier souvenir remonte à ses quatre ans, cinq ans peut-être. Un enfant était entré dans le dortoir, avec le visage en sang et un œil crevé, cette vision d'horreur et le sentiment de malaise qu'avait éprouvé Trash, il ne pourrait jamais l'oublier. C'était la première fois qu'il était confronté à la réalité. Il avait été élevé dans ce dortoir, composé de plusieurs rangées de couchettes, espacées par cinquante centimètre. La Maison, on l'appelait. Ici, il n'y avait que des enfants, entre quatre et quinze ans, environ, tous achetés ou ramassés dans la rue. Quand un enfant avait quinze ans, il quittait la maison, et personne ne le revoyait ensuite. Immédiatement, il y avait un autre enfant, tout jeune, tout frais et tout pommé qui arrivait ; et un autre devenait un "grand". Quand on devenait grand, on devait faire comme tous les autres : se prostituer. Cet hôtel appartenait à un certain Phil. Il récupérait les enfants que personne ne voulait pour les prostituer dans son hôtel. Strictement illégal, mais tellement bien dissimulé... Azraël fut ramassé par cet homme, et il grandit dans le dortoir qu'il partageait avec une vingtaine d'autres enfants, jusqu'à ses six ans. Quand tu as six ans, tu n'es plus un numéro, et on te donne un nom. Azraël fut celui qu'on lui donna, et qu'il garda ensuite. Il se souvenait d'une autre fois. Un enfant avait été battu à mort par un client, et avait été immédiatement remplacé. Quand l'un d'entre eux disparaissait, un autre arrivait immédiatement, et ainsi la machine ne cessait jamais de tourner.

Trash avança encore dans le dortoir, jusqu'à se retrouver en face d'un inscription gravée dans le mur. "WICKED". Il ferma les yeux. Le vrai calvaire avait commencé quand il avait six ans, parce qu'il avait du faire comme tous les autres. Les premiers mois, vous espérez sortir vivant d'ici, vous vous battez pour survivre et ne vous laissez jamais gagner par le désespoir. Mais le regard éteint des "grands", qui vous regardent comme si vous étiez aliéné, met vite fin à vos espoirs, et la réalité rattrape les enfants. Ils ne sortiront jamais d'ici. Azraël était de ceux qui n'abandonnent jamais. Ceux-là, c'est ceux qui quittent la Maison le plus vite, et qu'on ne revoit jamais après. A ce que disent les grands, ce sont les Créateurs qui décident d'éliminer ceux qui se révoltent trop. Puis un jour, le petit brun, à peine huit ans, avait écrit ce mot sur le mur, et il avait promis à tout le dortoir qu'il les ferait sortir d'ici. Un jour. Il avait promit, croix de bois, croix de fer, et les autres avaient soupiré en disant qu'il était stupide et que s'il continuait, il se ferait sortir de la Maison. Alors petit à petit, la lueur d'espoir qui brillait dans les yeux d'Az commençait à s'éteindre, devant tous ces pervers qui s'amusaient avec son corps sans éprouver le moindre sentiment. Cette machine ne cesserait jamais de tourner, quoi qu'il puisse dire ou faire. Il n'était qu'un engrenage de ce monstre.


Trash sortit du dortoir, et monta à l'étage en faisant attention à l'endroit où il mettait les pieds. Il se souvenait d'un jour, où ce qu'on appelle communément "miracle" arriva. Oui, un miracle, littéralement. Alors qu'Azraël n'y croyait plus, il fut sortit de cet enfer, quand il avait onze ans. Dans la journée, un grand avait été sortit parce qu'il avait eu quinze ans, et un nouveau petit était arrivé. Il aurait encore trois ans de répit, et il ne faisait pour l'instant que pleurer. Azraël avait essayé de le réconforter, maladroitement, sans vraiment y parvenir. Le petit s'appelait Antonin, mais son nom serait changé quand il commencera à travailler. Azraël se fit la promesse de le faire sortir de là, avant qu'il ne puisse être complètement brisé. Puis on appela Az, comme toujours, et on l'accompagna jusqu'à l'une des chambres. L'homme qui l'accompagnait toqua à la porte et fit entrer le brun. Dans la pièce, il y avait un homme et une femme, un couple plutôt jeune. Ils lui sourirent doucement, et Az répondit plus ou moins à ce sourire, assez intrigué par ses personnes étranges. La femme lui prit la main et le conduit dans la salle de bain. Elle lui demanda d'une voix calme de se doucher, et d'essayer les vêtements posés pour lui sur la commode. Le brun s'exécuta en fronçant les sourcils, et la femme le laissa seul. Il enfila les vêtements, et sortit de la salle de bain. Le couple lui proposa de manger avec eux, et ils passèrent le repas à lui poser des questions sur lui, sur son passé, sur ses goûts et sur la pluie et le beau temps. En général, Azraël répondait aux questions par un « Je ne sais pas vraiment. ». Ensuite, ils le laissèrent ensuite dormir dans le grand lit. Eux, ils avaient discuté jusqu'à très tard, puis avaient dormi sur le canapé-lit. Le lendemain, Azraël était parti avec le couple. Et enfin, il avait compris. Ils l'avaient acheté à Phil. Comme du bétail. Comme un animal.


Trash redescendit l'escalier perdu dans ses souvenirs, sans faire attention. La dernière marche craqua, et il s'entailla la main en tombant. Trash jura, essuya le sang sur la manche de son sweat, et sortit du bâtiment. Il rabattit sa capuche sur ses cheveux bruns à cause de la pluie, et commença à marcher rapidement. Le couple s'était présenté comme Ethan Holmes et Serah Blacklaw. Ils avaient donné à Azraël toute l'éducation qu'il n'avait pas pu recevoir, bien qu'il ne soit pas brillant, et l'amour parental qu'il n'avait jamais eu. Que demander de mieux ? Peut-être que le conte de fée dure jusqu'à la fin. Si seulement... Deux années parfaites, juste deux années. Rien de plus. Parce qu'un soir, alors qu'Ethan et Serah rentraient d'un rendez-vous, ils furent assassinés. Az était seul à la maison, et il dormait quand la police l'a appelé. Il a blêmit, et a passé le reste de la nuit à ne pas comprendre. Ce n'était pas possible. Pourquoi est-ce que le destin s'acharnait définitivement sur son sort ? Il pleurait, comme un enfant, tous les matins quand il se levait dans la maison vide. A la suite de l'homicide, le petit garçon joyeux est innocent s'est transformé, du tout au tout. Aveuglé par la vengeance. Il en était certain, c'était la faute de Phil. C'était lui qui avait demandé à ce que les nouveaux parents d'Azraël soient assassinés. C'était certain. Aucune preuve, juste l'envie d'un bouc-émissaire. Juste l'envie de se venger.

Trash pressa encore le pas, et alla se réfugier dans le hall d'un immeuble, alors que l'averse empirait. La suite de l'histoire, il la connaissait par cœur, et il revoyait tout ça défiler comme si c'était hier. La Maison. Il était de nouveau devant la Maison qui avait été son cauchemar pendant tant d'années. Il connaissait la Maison par cœur. Il y avait une porte de derrière, toujours verrouillée mais jamais gardée. A quelques mètres de la porte, les escaliers. Au dernier étage, le bureau de Phil. Il était toujours tout seul, parce qu'il voulait faire ses magouilles tranquille, certainement. Déverrouiller la porte de derrière, se faufiler jusqu'à l'escalier, courir jusqu'à en perdre l'haleine pour atteindre le dernier étage. Se glisser jusqu'au bureau, ouvrir la porte. Égorger Phil maladroitement, avec un couteau quelconque. Le laisser pour mort. Mettre le feu au dernier étage, ouvrir la porte du dortoir. Laisser les enfants s'enfuir. Et c'est la fin. Mais si c'était aussi simple, pourquoi personne n'avait pu le faire avant ? Quelques enfants morts, piégés par les flammes, mais c'était pour le bien de la majorités. Qui sont redevenus des gamins des rues. Finalement, Azraël se demandait ce qui était le mieux pour eux. Mourir de faim et de froid en étant libre, ou bien être traité comme un animal, en pouvant cependant dormir au chaud et avec le ventre plein ?


La pluie cessa, et Trash quitta le hall de l'immeuble pour rejoindre le quartier dans lequel il trainait la plupart du temps. Après tout, peut-être que quelqu'un aurait un boulot pour lui. Le mot de la fin, il ne le connaissait que trop bien. Il se souvenait que la fierté qui l'avait d'abord envahie s'était évanouie au fil des jours, lui laissant un goût amer dans la bouche. Il avait tué un homme, un être humain sur le même pied d'égalité que lui. Il l'avait tué, il lui avait enlevé sa vie. Azraël ne ressentait aucune culpabilité à propos de la mort de Phil, loin de là, mais le fait d'avoir coupé court à une vie humaine changeait toute sa vision du monde, de la morale, et de la société. Pour ce qui est de sa vie, elle avait changé du tout au tout, et Azraël avait du s'adapter, de gré ou de force. Voler et tuer pour survivre, c'était désormais ce qui l'entourait. Petit à petit, il a su se faire une place dans cette organisation clandestine, au milieu des trafiquants, des dealeurs, des prostituées et j'en passe. Azraël s'est rapidement rendu compte qu'avec les soucis actuels, l'information avait atteint une place primordiale. Écouter les conversations, scruter le moindre détail important, savoir avant les autres, c'est ce pour quoi il est doué, visiblement, et il est rapidement devenu un informateur. Bien sûr, ça ne suffit jamais. Se faufiler, glisser sa main dans un sac, voler les biens des gens pas assez prudents, ça le met en danger, mais ça lui permet de survivre, et de faire vivre deux-trois gamins sortis vivants de la Maison. Parce que pour lui, des enfants aussi jeunes ne devraient pas être confrontés à de telles choses. Sans se rendre compte que lui aussi, c'est un enfant.

« Hé, Az, il y a un mec louche qui te cherche. » Le brun se retourna vers l'autre enfant, et lui sourit. « Ah, merci. Mais moi c'est Trash, à partir de maintenant. »

Hello moi c'est paradox., ou milky.way, comme vous voulez. IRL, il parait que je suis encore au lycée, donc je suis présente normalement 5j/7 parce que j'ai rien a faire de ma vie, vous voyez C'est là que vous sortez vos mouchoirs, hein Le forum, je me souviens plus vraiment comment je l'ai connu, mais je sais que j'étais là au tout début, c'est déjà pas mal Et puis vous savez quoi ? Je vous aime (icône (c) noirtan)